La société dans laquelle nous évoluons au quotidien est aujourd’hui basée sur un mode de pensée que nous pourrions qualifier de “politiquement correct”. De plus en plus, des codes sont utilisés afin de montrer, voire prouver, sa bienveillance envers ceux qui sont différents. Ces codes peuvent être corporels, par exemple en évitant de prêter trop d’attention à un handicap, ou langagiers, par exemple en changeant le nom d’une situation pour la rendre plus “vivable”. Ne parlez donc plus d’un nain, mais d’une personne de petite taille. Ne prononcez plus le mot handicapé, mais utilisez l’expression personne à mobilité réduite. L’ensemble de ces codes rendrait le quotidien égalitaire, moins offensant, et surtout, plus humain. Pourtant, la société – et les mentalités – n’a quant à elle que très peu évolué.
Comment réagit-on à la vue d’une personne brûlée au troisième degré? Que dit-on à ses enfants lorsqu’ils demandent pour quelle raison la madame n’a plus de cheveux? Naturellement, nous usons des codes de “bonne conduite” afin d’expliquer les choses et bien que cela parte d’une bonne intention, nous rendons la réalité moins brute qu’elle ne l’est réellement.
Les codes sont utiles pour faire passer le message de l’ouverture d’esprit d’une société…mais qu’en est-il vraiment de notre relation à la différence? A prôner une éducation de l’égalité et de la normalité de tout individu, l’ensemble de nos différences se voit être de plus en plus lissé à coups de “Nous sommes tous pareils, nous sommes tous humains”. Mais pourquoi nier ce qui nous rend uniques? Pourquoi minimiser nos différences plutôt que les regarder ouvertement et avoir envie d’en apprendre davantage sur leurs raisons et leurs conséquences?
Détourner le regard des “défauts” amène à se fermer aux autres. Une personne ayant un handicap est une personne ayant un handicap. Une personne atteinte d’une maladie est une personne atteinte d’une maladie. Cela la constitue justement en tant que personne, définit sa vie, son évolution, ses envies, ses peurs. Qu’il s’agisse d’un handicap ou d’une maladie, tout comme d’une couleur de peau ou d’une religion, ; nous avons beaucoup à apprendre de l’Autre sur tous les aspects qui ne font pas partie de notre propre vécu. Observer ces différences, c’est en partie accepter le fait même que nous sommes tous différents et donc que la notion de “normalité” est un non-sens.
Ces quelques observations m’ont amené à vouloir réaliser un projet photographique qui porte sur les différences humaines ; sur vous, sur moi, sur le regard que nous nous portons. Car minimiser nos différences ne change pas le regard que nous avons sur l’Autre. Car personne ne devrait remettre en cause son estime de soi en raison d’une notion de “normalité”. Car la beauté des relations humaines réside, à mes yeux, dans notre diversité et notre ouverture aux autres tels qu’ils sont.
Pour cela, je vous invite à me raconter un peu de votre histoire, de votre vécu, et réaliser une série de portraits en studio tels que vous êtes, avec vos différences.