9 fevrier 1992. C’est la date a partir de laquelle la vie de Nicole n’a plus jamais ete la meme. C’est la date de l’accident aerien connu sous le nom de « crash du Cap Skirring ». Nicole etait a bord du Convair CV-640 qui s’est ecrase et elle fait partie des survivant.e.s de cette catastrophe. Je l’ai rencontre, trente ans plus tard, afin d’ecouter son histoire.
Le regard encore pétillant et le sourire aux lèvres, Nicole affiche une résilience naturelle face à une vie hors du commun que l’on ne pourrait soupçonner. Nous nous sommes rencontrés lors d’une de mes expositions et je l’ai retrouvée chez elle, quelques mois plus tard, pour échanger plus longuement sur son vécu. « Pas la peine d’embêter les gens avec mes histoires tristes, c’est comme ça, c’est la vie » me dit-elle avec beaucoup de légèreté. Je pense, au contraire, qu’il faut transmettre – et apprendre de – son recul sur la vie.
Le 9 février 1992, Nicole et Bernard, son mari, rejoignent leurs amis Jocelyne et Christian pour passer une semaine ensemble au Sénégal. Les amis se retrouvent à l’aéroport de Dakar avant d’embarquer dans l’avion qui aurait dû les amener à Cap Skirring… Nicole se réveillera du coma, à Lille, quatre semaines plus tard. « J’ai tout de suite réalisé ce qui s’était passé et compris que la vie ne serait plus la même. On ne m’a pas informé que Bernard n’avait pas survécu mais, sans que je ne sache l’expliquer, je l’avais ressenti. Puis j’ai retrouvé Christian un peu plus tard et mon ami traversait la même situation que moi, il avait survécu au crash mais sa femme Jocelyne était décédée. »
Nicole est toujours en vie aujourd’hui car aucun organe vital n’a été gravement touché mais son corps est marqué par les traces de l’accident et les séquelles qui en découlent la suivront tout au long de sa vie : humérus en miettes, omoplate et côtes cassées, poumon perforé… « Une partie de ma jambe ne tenait plus à mon corps, elle a été raccrochée grâce à de nombreuses opérations et greffes afin d’éviter l’amputation. Mais la partie la plus difficile à vivre n’est pas liée aux séquelles physiques, il s’agit du handicap invisible…j’ai souffert d’un important trauma crânien et certaines zones cérébrales sont mortes. Je suis atteinte d’une hémianopsie, un trouble du champ visuel. En quelques mots, la zone de mon cerveau qui recevait les informations de mes yeux ne fonctionne plus. Je ne vois donc plus à gauche et j’ai perdu la possibilité de conduire un véhicule à cause de ça. Je ne reconnais également plus les visages et cela renvoie une image négative de moi, comme si j’étais une personne hautaine ou malpolie. » Nicole n’a cependant pas perdu son sens de l’humour et m’explique : « D’ailleurs, Mickaël, je te préviens que si tu sors de chez moi et que je te croise en rue dans trente minutes, je ne te reconnaîtrai pas…ou peut-être que je ferai le lien car j’ai remarqué que tu n’avais plus de cheveux alors ça m’aidera à me rappeler ! »
Après l’accident, et la perte de son mari, Nicole a rapidement déménagé en ville afin de préserver son autonomie. « Nous nous sommes rencontrés sur un tard et étions mariés depuis peu lorsque j’ai perdu Bernard…je n’ai donc jamais eu d’enfant. Cela n’est pas un regret mais je me suis retrouvée dans une situation où je ne pouvais me reposer sur personne…à 42 ans. J’ai alors rapidement pris conscience que je devais être mon propre moteur, que les initiatives devraient venir de moi si je souhaitais rester active et me sentir vivante. C’est donc ce que j’ai fait. »
L’histoire de Nicole ne s’arrête cependant pas là…et la vie lui réservait d’autres épreuves après l’accident. En résumé, ça n’est pas un, ni deux, mais trois cancers que Nicole a traversés. D’abord la peau, ensuite le sein, puis une rare forme dans la cage thoracique causée par la succession des traitements. « Mais depuis 2014, tout…va…BIEN ! » me précise-t-elle sur un ton enjoué avant d’ajouter avec le sourire : « En fait, comme j’ai déjà tout donné, j’ai l’impression que je vais même mieux que les personnes qui n’acceptent pas de vieillir ou qui se plaignent au moindre petit rhume ! C’est pour cela que je suis très sensible à Adrien, l’oeuvre de Bruno Catalano qui se trouve au milieu de mon salon, je pense que l’on se ressemble, cet homme déchiré mais entier et moi. Il est un peu comme un miroir où je me vois, toute cassée mais toujours debout ! » Et si vous vous posez la question que beaucoup de monde se pose… Oui, Nicole a déjà repris l’avion à plusieurs reprises depuis ce 9 février 1992.
Si vous souhaitez en apprendre davantage sur le crash du Cap Skirring, je vous invite à consulter ce lien : https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Accident_aérien_de_Cap_Skirring